Alexis Goujon : Sylvain peux-tu nous réexpliquer en quelques mots en quoi consiste cette expérimentation Oui Pub qui a été mise en place il y a un peu plus d’un an.
Sylvain Bedoni : Tout d’abord, il faut avoir en tête que cette expérimentation est issue des réflexions de la convention citoyenne pour le climat qui a eu lieu pendant le premier confinement en 2020. Elle a donc une une portée environnementale forte. L’expérimentation, comme tu l'as précisé, a démarré en septembre 2022 avec le changement effectif du mode de distribution. Elle va se dérouler jusqu'à fin avril 2025 et elle porte sur 14 agglomérations qui se sont portées volontaires pour faire partie de cette expérimentation et qui ont été choisies pour être représentatives de la France. Donc, on a à la fois de très grandes agglomérations comme Bordeaux, Grenoble et des zones plus rurales comme par exemple autour de Saint-Brieuc ou dans la basse Ardèche. Cette expérimentation est pilotée par l’ADEME qui va en évaluer l'efficacité et donc la pertinence pour la suite, à partir de plusieurs critères. Tout d'abord, c'est l'évolution de la quantité de déchets papier, puis une évaluation qui se fera sur des critères plus RSE, c'est-à-dire sur l'impact environnemental, sociétal et économique de cette évolution dans la distribution avec une comparaison entre l’utilisation massive du catalogue et des solutions de remplacement, notamment le numérique.
A.G. : Quel est le bilandu côté de l’ADEME ?
S.B. : Côté ADEME, il y a eu un premier communiqué de presse juste avant l'été. Le bilan était positif puisque très tourné autour de l'évolution de la quantité des déchets papiers qui a très fortement chuté puisque la quantité d’exemplaires distribués a été divisée par 10 sur ces zones. Maintenant l’ADEME travaille sur l'évaluation des impacts environnementaux, sociétaux et économique mais également sur la perception des consommateurs sur cette évolution.
Pour revenir sur notre propre bilan un an après, il y a du positif et du négatif. Le positif, c'est que ces zones d’expérimentation Oui Pub ont permis de déclencher une réelle réflexion des
annonceurs sur les mix médias locaux pour toucher les consommateurs en multicanal.Ça a permis d'enclencher des tests à grande échelle, ce qui est très positif. En revanche, le point négatif c'est que le papier a été sorti de ce mix média. On constate qu’il y a une
frustration de certains consommateurs qui souhaitent recevoir les promotions en boîte aux lettres et ils sont ignorés, alors que ça peut être une opportunité, et c'est dommage de laisser ces gens sur le bord de la route.A.G. : Après un an d'expérimentation, qui est encore en cours précisons-le, quel est le premier bilan que vous faites chez CoSpirit ?
S.B. : Ce qui est intéressant de regarder, ce sont les taux d'apposition des autocollants Oui Pub. On voit qu’on a une moyenne d’à peu près 20% de taux d’apposition, mais que ce taux est très hétérogène selon les zones. La première raison à cela, c’est que la communication faite sur ce dispositif auprès des résidents a elle-même été très variable. Certaines municipalités ont fait plus de communication que d'autres, ce qui a été entre autres à l’origine d’une très forte hétérogénéité dans les taux d’apposition des Oui Pub : nous constatons des taux entre 5% et 40%. 5%par exemple du côté de Bordeaux, Grenoble ou Sartrouville et on sait que parmi ces agglomérations certaines n'ont pas ou très peu communiqué. On peut monter à plus de 40% par exemple à Saint-Brieuc mais également à Dunkerque ou dans le libournais. Ces écarts de communication mis de côté, il faut regarder qu’elles sont lespersonnes qui apposent un Oui Pub sur leur boîte aux lettres. Ce qu'on peut noter, c'est qu'on est sur une cible plutôt cohérente de personnes qui continuent à vouloir recevoir les promotions en boîte aux lettres. On est sur des communes un peu plus petites, des communes avec une population plus âgée, avec des revenus plus faibles et des familles avec enfants. Et des communes un peu plus rurales.
A.G. : Quel est le bilandu côté de l’ADEME ?
S.B. : Côté ADEME, il y a eu un premier communiqué de presse juste avant l'été. Le bilan était positif puisque très tourné autour de l'évolution de la quantité des déchets papiers qui a très fortement chuté puisque la quantité d’exemplaires distribués a été divisée par 10 sur ces zones. Maintenant l’ADEME travaille sur l'évaluation des impacts environnementaux, sociétaux et économique mais également sur la perception des consommateurs sur cette évolution.
Pour revenir sur notre propre bilan un an après, il y a du positif et du négatif. Le positif, c'est que ces zones d’expérimentation Oui Pub ont permis de déclencher une réelle réflexion desannonceurs sur les mix médias locaux pour toucher les consommateurs en multicanal.
Ça a permis d'enclencher des tests à grande échelle, ce qui est très positif. En revanche, le point négatif c'est que le papier a été sorti de ce mix média. On constate qu’il y a unefrustration de certains consommateurs qui souhaitent recevoir les promotions en boîte aux lettres et ils sont ignorés, alors que ça peut être une opportunité, et c'est dommage de laisser ces gens sur le bord de la route.
A.G. : Éric, quel bilan faites-vous chez Mediaposte de cette période d'expérimentation et quels ont été les impacts pour votre activité de distribution ?
Eric Trousset : Avant de faire le bilan Oui Pub, on peut faire un bilan un peu plus large sur l'état de santé du segment du prospectus. Il y a quelques jours, le BUMP a dévoilé les chiffres du marché publicitaire à fin septembre et ces chiffres sont éloquents puisqu’on a un global à +1,5% qui reste encore tracté par le digital, même s’il est retombé à une croissance à un chiffre par rapport aux années précédentes. Et quand on regarde l'imprimé publicitaire, c'est -21,5% sur la même période. Le Oui Pub n’intervient que très peu dans l’évolution de ces chiffres car c'est encore très petit en termes de zones et de pourcentage de la population concernée. En revanche, c'est un impact direct lié au retrait total ou partiel de certains grandes enseignes de GSA. On sait en effet que côté enseignes spécialisés il y a peu ou pas de mouvement de repli, ce qui est plutôt rassurant. Voilà pour la vision globale.
L’IREP a de son côté mené des travaux sur l'évaluation des recettes des médias locaux et multi locaux et le digital pèse environ 2/3 du marché. On a ensuite un trio : OOH, imprimé publicitaire et PQR, chacun étant entre 400 et 500 millions d'euros de recettes nettes. On voit donc qu’on a quand même des poids économiques très lourds sur ces médias historiques
Pour faire le lien avec le Oui Pub, il a fallu s'adapter. Déjà adapter l'outil industriel, parce qu’on est quand même dans une période un peu paradoxale car on a des consommateurs qui ont
envie de recevoir des promotions. Le Oui Pub, dès lors qu’il est mis en avant peut monter sur des taux d'apposition élevés, et pour autant nous avons des enseignes localement qui ont baissé les bras et ont arrêté les prospectus. Ce qu'on a pu constater, c'est que certains consommateurs qui ont mis l'autocollant Oui Pub le retire après quelques semaines parce qu’ils ne reçoivent plus de prospectus. C'est déceptif pour les consommateurs et c'est gênant en tant que distributeur parce que comment aller chercher finalement des annonceurs qui ne jouent pas le jeu, qui regardent des chiffres qui sont extrêmement hétérogènes. Cette expérimentation est utile mais le comportement des annonceurs a un peu biaisé la manière dont ça s'est mis concrètement et opérationnellement en place sur le terrain.On en revient à des aspects assez basiques de la communication, quand on communique il y a une partie des gens qui suivent et quand on ne le dit pas, ce qui s'est passé sur certaines
municipalités, il ne se passe rien. Et pourtant les distributeurs, dont Mediaposte, ont aussi fait de la pédagogie avec de la distribution d'autocollants.A.G. : Sylvain, si cette mesure devait être étendue à l'ensemble du territoire, qu’est-ce que ça changerait concrètement pour le média prospectus et quelle pourrait être la place demain de ce média dans les stratégies des annonceurs ?
S.B. : Sans même parlerdu Oui Pub, nous sommes déjà sur une tendance baissière pour les prospectus papier et leur utilisation est fortement challengée par les prises de décisionsradicales de certains très gros annonceurs, mais également par l'impact environnemental ressenti du papier qui fait que le prospectus a une très mauvaise image auprès du grand public. Le principe du dispositif Oui pub qui nous guide vers une distribution ciblée et choisie par les consommateurs, c'est une opportunité pour le média. C'est une opportunité de le relancer et de le rendre bien plus vertueux, bien plus sobre sur le plan environnemental et donc d'en faire un média désiré. Nous avons réaliséune étude chez CoSpirit au mois de mars car on trouvait que les premiers taux d'apposition étaient très élevés sur certaines zones, ce qui traduisait une véritable demande pour les Oui Pub. Nous voulions mieux comprendre ce phénomène et l’étude a montré que, si le Oui Pub se généralisait à toute la France, plus d'un français sur deux souhaiterait apposer un autocollant Oui Pub. C'est quand même un chiffre assez marquant.
Sur les zones qui sont à 20% d’apposition aujourd’hui, nous avons constaté que plus d'un français sur deux n’était pas au courant de cette mesure, soit qu’il ne connaît pas le dispositif, soit qu’il n’est pas au courant que sa commune fait partie du dispositif. De fait, le taux d'apposition stagne autour des 20%. Le gros point fort du dispositif, c'est que les gens demandent à recevoir un catalogue et donc il n'est plus jeté. Il n’y a plus de gaspillage, plus de déperdition. Il est lu avec une lecture plus attentive, il y a plus d'intention de se rendre en magasin et d'achat.
Même si le modèle économique des distributeurs de prospectus est chamboulé par cette mesure, ce résultat pousse à réfléchir pour trouver un nouveau modèle de distribution, car l'étude le prouve, c'est +150% d'intention d'achat pour les foyers qui continueront à recevoir des prospectus. Donc, même si le coût de la distribution augmente, il y a une vraie opportunité pour retrouver de la rentabilité avec ce média. On passe d'un support de masse à un support ciblé. A 25%, 30%, 40% de Oui Pub, le prospectus a encore un rôle à jouer pour créer du trafic en magasins.Il installe aussi un contrat de lecture avec le consommateur qui a choisi de recevoir le prospectus et on maintien les qualités de ce dernier : le plaisir de consultation et d'inspiration que crée le catalogue ; il ne faut pas se priver de ces vertus-là !
Et puis parmi les foyers concernés,tous ne sont pas sensibles aux nouveaux médias utilisés pour remplacer les prospectus. Il reste une cible qui va avoir du mal à trouver le magasin, avoir moins envie de se rendre en magasin pour acheter le produit qui l'intéresse si elle ne reçoit plus les prospectus.
A.G. : Éric, j'imagine que cette évolution du marché vous a fait réfléchir au sein de Mediaposte, est-ce que vous avez prévu de faire évoluer votre offre en conséquence et est-ce que cette mesure a priori contraignante pourrait se transformer en opportunité pour l’avenir ?
E.T. : Je voulais juste revenir sur 3 chiffres d’une étude Balmétrie qui date aussi du mois de mars. Cela fait 11 ans que nous mesurons le lectorat de l'imprimé sans adresse et du courrier en général et nous avons cette année encore interrogé 2500 personnes représentatives des Français. 68% des Français déclarent avoir lu au moins un prospectus au cours des 8 derniers jours. On voit donc qu'il a encore un bassin d'audience extrêmement fort et on monte à 87% pour ceux qui déclarent en lire « au moins de temps en temps », ce qui est plus que le stop Pub. Ce qui veut dire qu’il y a des personnes qui sporadiquement vont trouver un intérêt à la lecture. Ce qu’ils viennent chercher prioritairement dans le prospectus, c'est la promotion et c'est d’ailleurs le premier canal - à 33% - qui est cité, donc c'est le premier canal devant tous les autres comme source d'information sur la promotion. En période d’inflation, c'est quand même important.
Ça montre quand même tout le paradoxe dans lequel nous sommes aujourd'hui car il y a un réel intérêt pour le prospectus. Après, est-ce qu’il doit perdurer sous cette forme-là ? L'expérimentation nous incite à un peu d'imagination et à repenser finalement le marketing autour du prospectus. Le chemin que prend aujourd'hui Mediaposte sur les zones Oui Pub, c’est d’aller vers un prospectus choisi. C’est donc aller au-delà du Oui Pub car le Oui Pub c’est « j'aimerais bien en recevoir » et là je vais choisir les thématiques que je souhaite recevoir dans ma boîte aux lettres.
Je profite de ce plateau pour faire une annonce officielle. Nous avons lancé il y a quelques jours un site, jeveuxchoisir.fr. Les consommateurs vont pouvoir sélectionner les thématiques sectorielles, le bricolage, l'alimentation, les jouets, …pour recevoir uniquement les catalogues ou les flyers des secteurs sur lesquels ils ont montré une marque d'intérêt. Logistiquement, il va falloir s'adapter, c'est une transformation importante. Les ménages auront aussi la possibilité de se désinscrire de tel ou tel secteur. Je suis dans un processus d'achat d'une automobile, je veux bien recevoir des offres et une fois que j'ai acheté la voiture, je peux me désinscrire. Et donc ça va nous permettre d'adapter, comme du « on demand », ce qu’on souhaite recevoir ou pas en matière de prospectus.
Alexis Goujon
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