Communication extérieure, comment la créativité permet-elle
de jouer la carte de l’ancrage local et de la proximité.
Annabelle Legrand-Lippens, responsable marketing, marque et communication externe chez GAN Assurances, Alban Duron, directeur marketing de JCDecaux et William Royer, responsable marketing & expérience clients chez Clear Channel France nous présentent les enjeux, les innovations et les nouveaux process en matière de création de proximité et contextualisée.
La campagne GAN Assurances
Alexis Goujon : Annabelle, pourquoi vous être lancés dans cette campagne très locale sur le plan créatif et quels étaient alors vos enjeux et vos objectifs pour GAN assurances ?
Annabelle Legrand-Lippens : Chez GAN Assurances, notre valeur ajoutée ce sont nos agents généraux qui sont présents sur le terrain, en proximité avec nos clients. C'est notre réseau de distribution exclusif. Nous avons donc souhaité mettre en avant leur engagement humain et leur implication locale. Nous avons donc décidé de changer de prisme en termes de communication. Plutôt que de communiquer sur le produit, nous sommes passés sur le choix de la bonne personne, le bon interlocuteur pour accompagner chacun dans son choix d'assurance. Donc, l'objectif était clair, c'était de travailler la notoriété locale de chacun de nos agents et c'est pour ça que nous avons décidé de nous lancer dans cette nouvelle campagne.
En termes d’enjeux, comme cette campagne était ambitieuse sur le nombre de visuels différents à produire, c'était donc d'abord un enjeu créatif. Nous avons travaillé avec notre agence, Les Présidents, avec pour brief au départ d’intégrer la photo de l'agent. Au-delà de cet attendu, ils nous ont proposé tout un set de d'accroches avec, en plus de la possibilité d'avoir des petites photos, une grande photo et des couleurs différentes de fond, ce qui fait qu’au total il y avait plus de 78 options différentes. Mais surtout,l 'agent avait la possibilité de personnaliser le message, soit avec son nom, le nom de sa ville ou alors des spécialités locales.
Ce qui fait qu’au final nous avions plus de 800 affiches différentes totalement personnalisées,et qui font que localement on attire l'œil des passants. En effet, les passants voient le nom de leur ville qui apparaît et ils ont envie d'en savoir plus.
Dès qu'on a eu l'idée créative, on a ensuite travaillé avec
I-prospect pour réfléchir au plan média. Très vite, l'affichage a été choisi parce qu'il permettait de cibler précisément chacun de nos points de vente en choisissant les panneaux qui étaient au plus proche de ces points de vente. Cela a donc été un gros travail avec eux pour déterminer le meilleur plan média pour chacun de nos agents avec au total 800 plans médias en même temps à chacune de nos vagues d'affichage et à peu près 15 000 panneaux par vague, qu'il a fallu regarder un par un.
L'objectif N°1, c'était d'abord la satisfaction de nos agents puisque sans eux cette campagne n'existerait pas. Il s'agissait donc de les embarquer dans cette histoire, de les convaincre de monter dans cette aventure, et c’est plus de 90% de nos agents qui ont souhaité en être et ont accepté d'être mis en valeur dans leur ville. Et puis évidemment, la notoriété agrégée de nos agents en local permettait de travailler également la notoriété de la marque Gan assurances.
A.G. : Si on se place côté afficheurs avec toi William, fais-tu également le constat d'une montée en puissance des demandes des vos clients pour des campagnes locales avec une création localisée, et le cas échéant quels sont les besoins que ces annonceurs expriment et comment répondez-vous à leurs attentes ?
William Royer : Les campagnes locales, il y en a toujours eu beaucoup et il y en a toujours énormément. Nous avons pour cela chez Clear Channel, mais c’est aussi le cas pour JCDecaux, des équipes en région. Pour Clear Channel, c'est plus de 100 personnes en force de vente en local auxquelles s’ajoutent les fonctions support. L'évolution se fait en réalité surtout sur l'attention qui est portée à tout ce qui est personnalisation et contextualisation des campagnes. C’est un vrai sujet, qui induit forcément des évolutions en termes de technologie et en termes de modes opératoires.
Plus que jamais, le credo c'est « le bon message, au bon moment et au bon endroit ». La création localisée versus la création locale c'est pour nous un double enjeu ; l'enjeu de pouvoir répondre effectivement à des problématiques multi locales d’acteurs nationaux mais aussi l'enjeu de répondre à des problématiques d'acteurs locaux que l'on doit accompagner et que l'on doit adresser au mieux pour mettre en place les campagnes les plus efficaces possibles. Ça demande de la souplesse, de l'accompagnement et du conseil.
A.G. : Alban, chez JCDecaux, vous avez accompagné GAN Assurances dans la mise en place de cette campagne très locale que nous a présentée Annabelle. Pour que cette campagne soit une réussite, quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez été confrontés et surtout quelles ont été les solutions pour les surmonter
Alban Duron : Cette campagne a été triplement remarquable. Remarquable par l'intention créative à travers cette possibilité de donner à voir l'engagement dans la proximité des agents GAN Assurances sur leur territoire. Remarquable, parce qu’utiliser un média qui est un média de territoire, c'était bien vu et bien pensé. Nous avons été ravis d'accompagner cette campagne car elle était également remarquable par la façon dont collectivement nous avons tous travaillé. Ça n'aurait pas été possible si chacun n'avait pas fait de manière parfaite sa part du « job ». Côté communication extérieure, c'est une campagne hors norme parce que c'est comme si on avait créé 800 campagnes. Parce qu’une fois l'idée créative déclinée, il fallait mettre la campagne en application avec un gros travail pour cadrer le sujet d'un point de vue géomarketing, avec les bonnes stratégies, suivi d’un important travail
humain car il est toujours nécessaire d’affiner pour faire les bons choix avec le réseau de GAN Assurances.Afficher 800 campagnes toutes les semaines, on sait le faire puisqu'on en affiche, en local, à peu près 1 500 par semaine. Ce qui était important, c'était de s'assurer que la traçabilité des messages soit suivie de manière exceptionnelle. Pour s'assurer que telle affiche était bien attribuée à une face à une adresse donnée, et bien posée par nos équipes sur le terrain. C'est ce point d'attention là que nous avons particulièrement travaillé dans le cadre de cette campagne. A côté de cela, la mise en œuvre en tant que telle c'est la force de ce média qui permet d'aller très loin dans la capacité de personnaliser, de contextualiser le message en local.
A.G. : Vigilance au niveau des équipes de GAN Assurances également Annabelle ?
A.L.L : Oui et la première chose à faire, c'était de se coordonner entre toutes les parties. Entre l'agence créa qui a eu à créer les 800 affiches incluant la collecte des 800 photos des agents et de leurs souhaits puisqu’ils avaient la possibilité de choisir leur affiche. Coordination ensuite avec l'agence média pour envoyer la bonne affiche au bon endroit, et que l'affiche de l'agent de Marseille n’atterrisse pas à Lille par exemple ! Nous avions également besoin de communiquer régulièrement avec une circulation de l’information en flux tendu car nous avons commencé à travailler sur la campagne 7 mois en amont. Et forcément, pendant ce laps de temps les réseaux d'affichage ont évolué (évolution du patrimoine de panneaux) certains agents sont partis à la retraite ou ont décidé de délocaliser leur point de vente. Un simple déménagement peut changer le plan média, nous avions donc besoin de nous adapter au fil de l'eau jusqu'à la dernière minute. Le dernier point c'est l'agilité, parce que nous avons compris que les situations évoluaient et qu’il fallait être un peu souple sur ses appuis, et être capable de rebondir en cas de pépin. Nous avions notamment mis en place une hotline pour nos agents qui sont nos sentinelles sur le terrain et qui étaient capables de nous remonter très vite s'il y avait un petit souci ou une anomalie. Parfois c'était « mon affiche n'est pas là alors que j'avais noté que ça démarrait aujourd'hui », parfois c'était juste une petite erreur qui était corrigée dans les 24 h grâce à cette hotline.
Les agents étaient très impliqués, très volontaires pour « monter » dans cette campagne ; et quand ils l'ont vue dans la rue, ils ont été fiers et ont eu envie de la partager sur les réseaux sociaux. Certains agents ont posé avec leur équipe, d'autres ont créé des petits jeux concours en demandant à leurs clients et prospects de se prendre en photo devant leur affiche pour gagner un lot. D’autres se sont amusés à faire le tour de leurs panneaux en se prenant en photo lors de leur petit jogging matinal. Chacun a su rebondir localement sur cette opportunité qu'on avait mis à leur disposition. Julien à Monaco m'a beaucoup fait sourire ; il avait son affiche posée juste à côté d'un bar et il en a profité pour s'installer à la terrasse du café pour faire des petits clins d'œil aux passants en disant « ouais, c'est bien moi sur l'affiche ! » et il a noué ainsi des contacts qui lui ont été utiles par la suite pour ces affaires. ils ont eu également de bons autour de leurs clients, de leurs prospects qui disaient « je t'ai vu dans la rue, c'est génial cette campagne ! ».
Nos collaborateurs chez GAN Assurances se disent fiers de cette campagne, qu'ils ont aussi volontiers partagés sur les réseaux sociaux. Tout ça était déjà une belle récompense, mais nous avons également gagné le prix Stratégies en septembre pour le déploiement de cette campagne, qui labellise cette production hors norme, ainsi qu’un prix aux Cas d’Or et le prix de l’inspiration au Grand Prix de l’Agence Média de l'année, remporté par I-prospect pour cette campagne.
Nous nous sommes également assurés que le message délivré par cette campagne était le bon en mettant en place des post-tests avec un indice de reconnaissance 2 fois au-dessus de la norme banque-assurance. Cette campagne a donc véritablement marqué les esprits et nous en sommes très contents. Plus de 8 points au-dessus de la norme pour ce qui concerne l’agrément, ce qui valide la campagne que l’on poursuit.
A.D. : Ce qui est génial, c'est que ce sont des campagnes qui redonnent du sens, qui créent du « commun », avec des feedbacks aussi de nos équipes sur le terrain qui nous racontent que les gens sont venus chercher des affiches. Tout le monde se connaît, et ça crée une connivence en local qui est tout à fait impressionnante. C'est une autre forme d'indicateur, mais c'est toujours très pertinent quand on le voit avec notre œil d’équipe de communication extérieure sur le terrain.
A.G : William, qu'est-ce cette nouvelle demande de créativité locale a eu comme impact sur votre organisation et sur les moyens de production, et qu’est-ce qui a changé finalement dans votre dans votre quotidien ?
W.R. : Il y a 2 maîtres mots que sont l'adaptation et l'accompagnement. On peut identifier 3 niveaux d’adaptation. Le niveau organisationnel avec le développement d'un studio créa en interne qui permet de répondre à des problématiques principalement locales, avec une vraie direction artistique, mais aussi la possibilité de disposer d’un savoir-faire technologique puisque les prestations vont d'un simple repiquage adresse sur l'affichage jusqu'à un templating HTML ou au motion design pour le DOOH. Nous sommes vraiment sur un spectre très large qui peut répondre à l'ensemble des enjeux clients. En 2022, ce sont plus de 1 500 réalisations qui ont été effectuées pour les clients par le biais de ce studio créa.
Deuxième niveau d’adaptation avec les outils de géomarketing qui sont en place et de plus en plus perfectionnés pour répondre à la demande, mais aussi des solutions de pré-test en eye-tracking qui permettent de définir les zones chaudes et les zones froides d’une affiche pour délivrer le bon message au bon endroit et de pouvoir aussi adapter la créa pour optimiser la réussite de la campagne. Nous disposons également de solutions de mises en situation qui nous permettent, dans le même registre, de trouver des solutions optimum. Le troisième volet, celui de l’adaptation de l'offre. Notre studio nous permet de proposer un package « contenu plus contenant », ce qui est intéressant notamment auprès d'acteurs locaux qui n'ont pas forcément à disposition d'agences de créa ou d'agence de communication. Nous pouvons les accompagner également sur l’éditorialisation de leurs messages. C’est une évolution du métier et finalement c'est une véritable opportunité pour notre média.
A.D. : Nous avons conduit énormément d'études ces derniers mois, voire ces dernières années sur les sujets de la géolocalisation d'une part et de la contextualisation d'autre part. La géolocalisation redevient centrale aujourd'hui car dans un monde de plus en plus cookieless aujourd'hui, la valeur de l'adresse, de l'emplacement revient. Nous nous sommes également intéressés aux neurosciences. Le cerveau humain ne prête pas attention à la marque mais à l'intention créative, à la narration, à la manière dont on la raconte, et on sait bien qu’en termes de réponse mémorielle, quand on joue ne serait-ce que du levier de l'adresse et de cette proximité, parfois très simplement en mettant uniquement le nom de la ville sur l'affiche, on a une réponse mémorielle qui est accélérée, comme nous avons pu le constater sur les campagnes Deliveroo. Sur différents marchés dont la France, nous avons vu que cette réponse mémorielle pouvait progresser jusqu'à plus de 17% entre une campagne qui marquait la géolocalisation de l'adresse versus une campagne qui était standard.
Si on ajoute une couche de contextualisation, et qu’on croise le bon lieu avec le bon moment et le bon contenu, l’uplift peut atteindre +32%.On sait que tous ces efforts, qui vont être faits en haut sur l'image, sur la notoriété et surtout sur la considération, c’est clé pour installer la marque en proximité et ça aide le travail sur le bas de funel et sur la conversion. Nous pouvons utiliser des leviers simples qui transforment véritablement l'efficacité des campagnes, avec une accélération depuis 18 mois qui est très impressionnante dans les briefs que nous recevons. C'est cette qualité de communication qui va redonner de l'envie et du sens aux messages que l'on voit dans la rue.
A.G. : Annabelle, tu as constaté des effets sur la notoriété et on l'a vu sur la viralité de la marque GAN Assurances, mais est-ce que tu as également un retour à nous faire sur l'augmentation du nombre de contrats ?
A.L.L : Le temps de l'assurance est un temps long, donc entre le moment où on va commencer à avoir une relation avec un prospect la concrétisation d’un contrat, ça prend plusieurs mois en général. Ensuite, il faut pouvoir effectivement faire le lien entre la campagne d'affichage et les contrats et ça c'est toujours compliqué. Si quelqu'un a la clé, je veux bien ! Nous, nous allons plutôt mesurer l'évolution de la notoriété de la marque. Ce qui est certain, c’est que la campagne a aidé les agents à nouer des contrats, mais je ne peux pas mesurer
exactement le nombre de contrats qui sont directement liés à l'affichage.La campagne peut aider à 2 niveaux : soit en prise de contact, c'est-à-dire que quand l'agent se présente il est connu donc forcément ça facilite la prise de rendez-vous, soit il y avait déjà un premier devis qui avait été effectué et l'affichage a pu aider à concrétiser et à passer à la signature du contrat.
A.G. : Alban, William, est-ce que cette augmentation du nombre de demandes locales a eu un effet sur l’innovation au sein de vos entreprise ?
W.R : Oui, notamment sur l’aspect technologique avec des outils de plus en plus performants pour travailler le repiquage adresse, comme par exemple pour la campagne Volvo qui est une campagne nationale avec des relais en local. On peut aller plus loin en géomarketing, notamment dans le secteur des alcooliers qui ont pour obligation de ne pas communiquer à moins de 100 mètres des établissements scolaires. Nous utilisons les outils pour pouvoir définir une zone de communication qui soit la plus efficace possible et qui réponde à ces obligations légales.
Il y a aussi l'innovation liée au DOOH ; on utilisera beaucoup plus la partie technologique en contextualisant, en personnalisant les messages. Avec aussi de l'affichage dynamique. En intégrant des flux de datas, on peut imaginer que le client peut gérer le contenu de ces propres spots. Il est aussi possible d’intégrer des données météo, des scores de football en local. Le champ des possibles est extrêmement large et finalement c'est aussi une opportunité de pouvoir moderniser nos outils, d’innover, d’imaginer de nouvelles solutions pour notre média.
A.D. : Si on regarde les études qui ont été conduites en eye tracking, on voit que les durées d'attention sont maximisées, et en particulier quand on combine une stratégie OOH avec une stratégie mobile, les durées d'attention augmentent. Nous avons déterminé une « formule magique » qu'on appelle le 2+2 = 5 : 2 secondes d'attention moyenne en DOOH + 2 secondes d'attention moyenne en mobile, quand vous mixez les deux bien géolocalisé, bien contextualisé et avec le bon message vous passez à 5 secondes
d'attention pour chacun des médias.W.R. : Nous avons donc des leviers tangibles aujourd'hui que nous pouvons activer, avec des solutions qui sont accessibles à tous les petits acteurs que ce soit des acteurs nationaux qui veulent communiquer en local, mais aussi des acteurs locaux. Par exemple, le Musée des Confluences à Lyon va travailler avec Brut pour pouvoir avoir un spot complètement contextualisé avec du storytelling sur un format de 30 secondes, et là on est vraiment sur une valeur d'attention plus optimisée encore.
A.G. : Annabelle, est-ce que cette campagne va être renouvelée et avez-vous déjà imaginé au sein des équipes de GAN Assurances de mixer l’affichage avec d'autres médias ?
A.L.L. : Nos agents qui ont beaucoup aimé cette campagne ont déjà pu la déployer localement sur d'autres supports locaux, à leurs initiative : sur des banderoles par exemple, sur des stades en sponsoring sportif. Certains l'ont utilisé en vitrophanie sur leur agence, mais aussi sur des sacs à pain qui fonctionnent très bien ! En tant que campagne multi-locale pilotée au national, le média affichage reste socle pour les raisons de géolocalisation dont on a parlé. Sur la première vague de cette campagne, nous avions également testé en complément la géolocalisation digital avec des insertions en PQR mais digitales. Sur la 2nde vague, nous avons testé la PQR papier, qui a fini aussi en digital puisque les agents se sont pris en photo avec leur journal et les ont mises sur leurs réseaux sociaux. Pour la prochaine vague, nous allons tester une autre idée, donc rendez-vous au printemps pour la prochaine initiative !
Alexis Goujon
06.03.36.23.40
alexis@